vendredi 17 février 2012

Chapitre 4: Piquée! (par la fièvre du voyage)

A la une ce jour : L’ancienne phobique angoissée hypocondriaque a affronté sa plus grande peur : la piqure ! Cette jolie petite aiguille fine et sournoise, qui vient se planter droit dans votre deltoïde pour vous inonder de sensations fortes grâce à un (ou des) petits virus, qui vont se déployer en douceur et se répandre lentement dans vos veines. Tel un moment de jouissance, vous êtes submergés par toute une succession de réactions physiologiques, allant de la douleur aigue à la fièvre, en passant par le « je m’attendais à pire » puis les frissons, mais aussi la réaction urticaire sur le visage et le torse, et enfin l’impossibilité de lever le bras pendant plusieurs jours. J’aime ce sentiment masochiste totalement incompréhensible que l’on ressent lorsqu’on l’a fait. Cet état mi béat mi stupide, doublé d’un sentiment de fierté totalement irrationnel de savoir qu’on a fait quelque chose qui physiquement nous fait mal,  mais qui psychologiquement nous fait du bien. Parce qu’on a réussi, parce qu’on a compris qu’on en était capable. Un peu comme lorsque j’ai franchie la ligne du semi marathon de paris après 2H28 de souffrance, 1 crampe, 8 powerade, 2 kg de fruits secs et 22km de course : les articulations en compote, les doigts de pieds non pas en éventail mais en décomposition , à deux doigts du malaise vagual et de la crise d’hypoglycémie (et ce malgré tous les efforts déployés  pour avaler gels  et boissons énergétiques en tout genre aux stands de ravitaillement sans m’arrêter de courir, élaborant la technique du remplissage de soutien gorge en raisins secs, évitant les peaux d’oranges qui jonchaient le sol d’un slalom habile, et crachant discrètement pour rester classe en toute circonstances, car oui, le mollard collé au fesses version crachat de débutante m’a servi de leçon une fois, pas deux.) Bref, en franchissant la ligne d’arrivée, une fois ma puce électronique désactivée, les zygomatiques en feux d’avoir trop voulu faire la maligne devant les derniers photographes,  je me suis dit (comme surement 27 800 autres coureurs qui ont franchi cette ligne ce jour là : JE L AI FAIT !  Ce même soulagement doublé de souffrance que j’ai ressenti, dans un autre registre, lorsque j’ai opté pour un combo raclette/ fondue dans la même soirée, trop heureuse de fêter l’arrivée de l’hiver, et que, écœurée, dilatée, tentant le subterfuge du digestif qui fait tout descendre (inutile) ou la technique du sorbet à la chartreuse (encore pire)  je me suis dis : mon estomac et moi l’avons fait !  Ou même encore lorsque je me suis jetée d’un avion à 3000m d’altitude, que j’ai eu pris 2 tonnes de pression dans la face, 60 secondes de chute dans le vide (artistique), une ouverture de parachute comprise d’un coup sec dans les vertèbres, une poussée d’adrénaline incroyable et l’envie de recommencer, maintenant, tout de suite. Enfin voilà, aujourd’hui JE L’AI FAIT : J ai prêté mon deltoîde, j’ai serré les dents, j’ai regardé en l’air, compté jusqu’à 10, et puis en réalisant que ce ne serait que le premier d’une longue série à venir,  je me suis senti prête à le faire encore. J’ai évincé ma phobie pour le bien de ce voyage. Ou plutôt les bienfaits de ce voyage à venir ont évincés ma phobie, comme piquée par cette fièvre délirante de partir à l’inconnu.