mercredi 18 janvier 2012

Chapitre 3 : Je, Tu… île

J’ai réservé mon ïle! La toute première d’une longue liste, un avant goût de paradis : Bali. Si ce nom m’a longtemps fait rêver, jamais je n’ai eu la certitude que je foulerai ses plages un jour, que j’y testerai ses massages, m’abreuverai dans ses noix de cocos, irai me recueillir dans ses temples, ou m’endormir au creux de ses volcans. Après le pragmatique et terre à terre achat des chaussures, puis du sac à dos (dont je vous épargnerai l’histoire, du même acabit que le vieux campeur, en version espace montagne) voici celui, plus aérien et évocateur, du premier billet d’avion.
Il faut dire que lorsqu’on s’attaque à un autre registre que le matériel, qu’on concrétise l’achat d’un premier vol, la sensation est différente. On sait que non, ce billet d’avion ne pourra pas servir à autre chose que se rendre d’un point A à un point B à une date bien précise, comme on pourrait se dire en achetant des chaussures (dans tous les cas une paire de chaussures ça sert toujours, hein ?). Que non, même si on change de date, d’avis, d’envie, nous ne recevrons pas un virement de la compagnie aérienne, comprenant gracieusement notre choix (comment ça je peux pas rester plus longtemps à Bali ?). On réalise que oui, tout devient plus concret que jamais.  Et ce sentiment est extrêmement libérateur, exaltant, jouissif.  J’ai alors élaborée une stratégie efficace et exhaustive pour dénicher LE billet : usé la toile pendant quelques heures à la recherche du meilleur prix (évident), utilisé les comparateurs de vols (fastidieux), puis les avis sur les compagnies aériennes (sincères ou orientés ?), je suis passée faire un tour sur le site recensant les compagnies blacklistées (on n’est jamais trop prudents), puis j’ai vu qu’elles étaient toutes africaines (ouf), je me suis alors demandé à maintes reprises s‘il valait mieux le meilleur prix ou le confort et la sécurité, puis j’ai regardé mon compte en banque et je me suis dit qu’il valait mieux le meilleur prix, j’ai été jusqu’au bout du tunnel d’achat, saisissant mes noms, prénom, adresses et numéros de carte bancaire, puis je suis revenue en arrière, une fois, deux fois, trois fois, et enfin, après avoir fait ces quelques allers retours  sur mes 12 onglets ouverts, j’ai cliqué le OUI définitif. La confirmation a été lancée, l’excitation à son comble, je frétillais comme une enfant sur mon canapé, au beau milieu de mon salon. J’ai regardé mon guide du routard de Bali, puis je me suis dit que la prochaine fois que je le lirai, ce serait sur une plage paradisiaque ou dans une jungle humide, qu’il sera surement corné, déchiré, taché par un plat local mangé sur le pouce, jauni par la poussière, mais que, définitivement, sa place était dans mon sac, pas sur ma table de chevet.
Là j’ai réalisé que j’avais de la chance, la chance de réaliser ce projet, la chance de m'offrir ce vol en quelques clics, la chance d’avoir additionnés tous ces choix de vie, d’épargne, d’ambition, qui me mènent aujourd’hui à atteindre ce rêve. La chance de pouvoir le partager avec quelqu’un qui est animé par une même vision de la vie que moi, mon compagnon de route comme de vie : j’ai nommé mon mari (c’est étrange cette fierté qu’on ressent en le disant, un peu comme le jour où l’on présente son permis de conduire pour la première fois, lors d’un contrôle (oui oui, c’est bien moi qui l’ai eu, du 3e coup mais je l’ai eu !), ou que l'on signe son premier bail d’appartement (independance day ou la post adolescente en plein élan de liberté), ou même que l'on découvre son nom  inscrit sur la liste des lauréats du BAC (qui aurait cru que la philo me sauverait?). Oui parce que derrière mon grain de folie,  je suis une épicurienne, une amoureuse de la vie, et je ne sais pas cacher ma sensibilité à fleur de peau, ni ce romantisme utopique qui me caractérise. Alors parfois je prends quelques minutes pour penser à tout ça, les émotions me viennent, et là  je me dis qu’on ne se sens jamais aussi bête que lorsqu’on pleure seule de bonheur sur son canapé, mais que je donnerais tout pour rester cette idiote là longtemps.

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